La mine de Pont-Péan colorisée

Une carte postale…
…de la mine de Pont-Péan

Sur les vide-greniers, on chine et on tombe parfois sur de vieilles cartes postales. C’est le cas de ce cliché de la Mine de Pont-Péan qui nous a replongés dans des recherches menées il y a quelques années sur un couple de cultivateurs bretons : François Guillard et Julienne Menand.

La mine de plomb et d'argent de Pont-Péan

La mine de quoi?

La Mine de Pont-Péan, située sur la commune du même nom, n’est désormais plus en activité. Et rares sont les bretons qui s’en souviennent encore. C’était pourtant la mine de plomb et d’argent la plus importante d’Europe à la fin du XIXe siècle. Au départ, ce sont Jean du Chastelet et Martine de Bertereau, deux minéralogistes renommés, qui auraient découvert son filon de plomb et de zinc dès les années 1620-30 sous le règne de Louis XIII. D’importants aménagements sur 54 hectares et des galeries souterraines allant jusqu’à 120 mètres de profondeur permirent de l’exploiter pendant plusieurs siècles. L’entreprise de Gustave Eiffel y avait même implanté une mini-tour qui servait de chevalement métallique au puits républicain.

Hélas la mine de Pont-Péan se situait aussi sur des terrains inondables qui subissaient régulièrement les crues de la Seiche. Elle ferma ses portes en avril 1904 suite à l’une de ces inondations et aux lourdes déconvenues financières qui en découlèrent. Plusieurs projets de réouverture furent proposés dans les années 1920-30 mais aucun n’aboutit finalement. Son bâtiment administratif en brique est aujourd’hui classé monument historique. L’alignement des nombreuses maisons des mineurs témoigne de la vie qui régnait sur place. Tout comme l’ancien vestiaire devenu une chapelle et l’épicerie qui faisait également office d’hôtel et de mercerie.

La mine de Pont-Péan colorisée
La mine de Pont-Péan colorisée à l’aide de l’application DeOldify

François Guillard et Julienne Menand

La découverte de cette carte postale était l’occasion de nous replonger dans le quotidien d’un couple qui fit l’objet de nos recherches. François Guillard (1719-1777) et Julienne Menand (1719-1778) étaient une famille de cultivateurs. Lui était originaire de Bourg-des-Comptes et elle de Guignen, en Ille-et-Vilaine. Ils passèrent la plupart de leur vie entre Guignen et Guichen où ils eurent au moins 8 enfants. Pendant plusieurs mois, nous avions perdu leur trace et ils avaient disparu de leur secteur de vie habituel. Nous étions bien incapables de dire où, quand et comment ils étaient décédés.

Acte de vente Guignen 1767

Puis un jour, en consultant un vieux registre de minutes notariales de Maître Joseph Claude Gauvain, un notaire de la Juridiction de Guignen, conservé aux Archives Départementales d’Ille-et-Vilaine (cote 4 E 1658 pour ceux que cela intéresse), nous avons eu la bonne surprise de retrouver notre couple de cultivateurs. Ce registre contenait en effet un acte de vente du 2 décembre 1767 entre Pierre Menand, frère de Julienne, et François Guillard. On y apprenait notamment que le couple était domicilié sur les Mines de Pont-Péan, paroisse de Bruz, évêché de Rennes. C’était alors l’occasion pour nous de découvrir les mœurs et modes de vie des ouvriers de la mine.

Les habitants de la mine de Pont-Péan

L’écrivain Adolphe Orain (1834-1918), auteur de nombreux ouvrages sur la Bretagne et ses communes, dont notamment Le petit mineur de la mine argentifère de Pont-Péan, brossa un portrait incroyable de ses habitants de l’époque :

« Les ouvriers de la mine, au nombre de 1.000 à 1.200 sont pour la plupart des bas-bretons. Ils forment une population à part dont les mœurs diffèrent complètement de celles des paysans de Bruz. Ils ont conservé les idées superstitieuses de leurs pays et croient encore à toutes sortes de génies.

Les mineurs de Pont-Péan ont une telle croyance dans le lutin que, la veille de la Sainte-Barbe, ils vont le consulter pour savoir s’ils mourront dans l’année. Ils descendent à cet effet dans la mine, à leurs chantiers, et là, chaque mineur allume une chandelle qu’il laisse brûler. Si la lumière s’éteint avant d’être consumée, c’en est fait de leur existence. Le lutin invisible est passé qui a fixé le terme de la vie de son protégé. Des déblais considérables, extraits des souterrains, forment des monticules sans nombre; entre lesquels on voit çà et là de petites chaumières d’où sortent des mioches joufflus. Dans les courtils, quelques mineurs jardinent, tandis que d’autres jouent au bouchon à la porte des auberges.« 

La mine de Pont-Péan près de Bruz

Postérité

François Guillard décéda sur les travaux de la mine. Il fut ensuite inhumé au cimetière, qui dépendait alors de la paroisse de Bruz, le 19 juin 1777. Sa femme ne lui survécu pas un an puisqu’elle décéda à son tour le 16 juin 1778 aux fonderies de la mine. Aucun de leurs enfants ne semble leur avoir emboîté le pas, plusieurs d’entre eux étant morts en bas-âge. Jean fut prêtre capucin et vicaire de la paroisse de Guignen. Quant à Jeanne et Perrine, elles épousèrent des cultivateurs également natifs de Guignen.

Cette carte postale nous aura menés bien plus loin que dans une petite allée de vide-grenier. On n’imagine pas, on ne se souvient plus, quand on contemple ces photos mordues par les assauts du temps, les vies et les souvenirs qui se cachaient derrière naguère. Et si l’envie vous prenait, à la manière d’Alain Emery dans son Passage des Mélancolies, d’écrire ou de ré-écrire l’histoire ? Nos vieilles photos et la généalogie ont encore bien des mystères à nous dévoiler.

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